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30 avril 2018

Je m'interroge sur les scènes chocs / de révélation

Je m'interroge sur les scènes chocs / de révélation

Les scènes de découvertes bouleversantes : un classique de nombreuses fictions et jeux : la découverte que les choses sont très différentes de ce que l'on croyait. Le super-héro qui découvre ses pouvoirs, la créature surnaturelle qui se pensait humaine et découvre sa vraie nature. La découverte que quelque chose de fondamental, qui n'est pas censé existé, ou dont on a jamais entendu parler, existe : la magie, les univers parallèles, le voyage dans le temps, les créatures surnaturelles... La personne qui s'éveille trois siècles après son temps. La morte qui découvre la vie après la mort ou son état de fantôme. Il y a un autre monde dans cette garde-robe. C'est plus grand à l'intérieur.

Ces situations sont très importantes pour les protagonistes mais je trouve qu'elles sont rarement satisfaisante dans les fictions statiques, et encore moins dans le jdr. Je trouve ces scènes difficiles et je ne trouve pas de moyen de les aborder / résoudre d'une manière réellement satisfaisante. En particulier au sein d’une tablée « traditionnelle » où l’on n’a pas trop de renvoi de balle entre les joueuses, où il n’y a pas de concertation sur le jeu des personnages, ni sur le cadrage des scènes, que la prise d’autorité sur celle-ci est mal perçue, où l’on joue avec peu d’ellipses. C’est surtout ce dernier point qui me pose problème, car je pense que c’est dans le cadrage des scènes que se trouve la meilleure solution : jouer une réaction initiale, couper avant que la scène ne s’essouffle, ellipse vers un moment où le choc est passé, est abordable.

C’est un type de scène qui me pose suffisamment de problèmes en jeu pour que je ne puisse pas vraiment l’aborder en immersion dans mon personnage.

En tant que joueuse-d’un-personnage, le répertoire que j’ai est à peu près celui-ci :

- Abasourdissement : le personnage ne sait comment réagir et reste plus ou moins longtemps stupéfait. Une réaction très improductive. Sauf si je puis compter sur les autres joueuses pour faire bouger les choses. Sinon rapidement mis à l’écart. Tourne rapidement au comique, ou au dramatique s’il y a un danger imminent. Difficile à faire passer en pur voice acting. Difficile aussi de faire une transition correcte entre cet état et une autre réaction si la table n’envoie pas un stimulus adéquat.
- La colère : plein de façons d’amener ceci en jeu et très dynamique, la colère d’avoir été trompé, la colère pour ne pas avoir peur, la colère d’avoir dû attendre si longtemps . En colère contre la révélation, contre cellui qui nous a amené dans la situation, contre le·a premi·er·ère qui fait un pas de travers, contre les autres qui ont des réactions débiles. Bon pour provoquer une réaction des autres, mais peut tout aussi bien être ignorée. Transition assez facile vers autre chose, avec des échos de l’évènement.
- La peur, la panique : aussi une réaction intense qui demande une réaction des autres, mais je me trouve le bec dans l’eau, coincé dans un cul de sac si je n’ai pas de répondant. Ou alors il faut pousser jusqu’à faire une grosse bêtise pour forcer une réaction, mais même alors…
- La joie, le soulagement, notamment après une autre première réaction : tout s’explique, je l’ai toujours su… Pas mal pour faire la transition après la colère ou la peur. En première réaction, cela ressemble plus à l’acceptation, plutôt réservé aux personnages vraiment singuliers.
- L’acceptation simple : plutôt réservé au personnage singulier : le fou, le sage, le bizarre. Je ne parviens pas à mettre cela en jeu sans recourir au sous-titrage. Risque de déforcer la révélation en elle-même.
- L’incrédulité, l’incompréhension : le personnage n’arrive tout simplement pas à y croire. Il n’est pas abasourdi, juste il n’y croit pas ou ne comprends pas. Il va chercher à démonter l’imposture, chercher des « explications logiques », se fâcher contre ceux qui font ce tour. Pas mal pour illustrer un personnage méfiant, c’est rapidement une ornière dans le jeu.
- L’incompréhension, le malentendu : je capte, mais pas tout. À greffer sur une autre réaction, que je peux jouer atténuée car par après éclatera en plein le fait que je n’ai pas tout saisi. L’avantage est de passer d’une réaction purement émotionnelle à une réaction qui est aussi quelque chose de plus concret, sur lequel les autres peuvent agir et se mettre en valeur. Dans la mise en pratique, j’ai du mal à trouver un malentendu crédible, qui fonctionne bien, et que ne se fait pas lever par un « je lui explique » mais qui ne tombe pas dans l’ornière.
- Le déni : je veux passer à autre chose, continuer ce que j’étais en train de faire, passer à l’objectif suivant, en ignorant soigneusement ce qui vient d’être révélé. Nécessite de nouveau le répondant des autres joueuses et peut être facilement nié (les autres joueuses ne s’en soucient pas, le meneur ignore et fait l’hypothèse que je suis le groupe…)
- L’éblouissement, émerveillement ou crainte sont assez proche, des réactions un peu atténuées, permettant de rester dans la dynamique, mais juste distrait, éblouit. Permet une récupération assez aisée, des transitions faciles tout en soulignant quelque peu l’unicité du moment. Cela suppose que le moment de révélation ne soit pas une apothéose, un nœud dans la narration, qu’il y ait des choses en cours, prévues après. (C’est aussi un élément qui complique ces scènes : elles sont souvent à l’horizon perceptuel/narratif et annulent tellement de choses…)
- Le fait d'avoir quelque chose de crucial à faire permet facilement de mettre sa réaction de côté pour passer à la suite, sans cela c'est plus difficile pour moi.

Au final, je pense que le gros problème de ces scènes est, en jeu tradi, d’attendre une belle mise en scène des réactions des personnages, que les joueuses donnent de l’importance, de l’écho, à la révélation du meneur, mais sans donner les outils de mise en scène nécessaires. Malheureusement, on ne peut pas changer les gouts (améliorer ?) une tablée d’un coup juste pour une scène, et peut-être que la plupart des joueuses acceptent de passer par ce leitmotiv des jeux « à secrets » (« à révélation »). Mais dans ce cadre, comment faites-vous (feriez-vous) pour favoriser une bonne scène à travers le seul levier de votre personnage ?

Et hors de ce carcan, comment faites-vous, de manière générale ?

https://youtu.be/3fikcmNHJTM?t=40m18s
https://courantsalternatifs.fr/forum/viewtopic.php?f=17&t=1066&p=7221#p7221

3 commentaires:

  1. Moi je ne sais pas faire monter la pression avant pour rendre la révélation forte, d'autant que j'ai de plus en plus tendance à jouer en transparence avec une autorité forte - les grosses révélations seront finalement largement anticipées des joueurs, puisque le plus souvent, c'est eux qui l'auront provoquées ou me l'auront soufflées.

    http://www.darthsanddroids.net/episodes/1152.html

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  2. Dans Le Témoignage, tu pioches un jeton quand la révélation te bouleverse. donc, même si tu roleplaye comme une truite, ça se voit que le truc t'impacte. Dans L'Empreinte, la joueuse préprogramme ses réactions les plus plausibles face à la "menace" telles que "agir dans l'ignorance de la menace", "ressentir de la fascination pour la menace", "combattre la menace", etc...

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  3. je pense aussi à une chose : un certain nombre de joueuses expérimentées sont baignées dans une culture rôliste et geek qui utilise les grosses révélations à l'envi. Elles sont donc vite blasées. Alors que le personnage devrait être bouleversé, la joueuse n'es guère étonnée : un sérieux manque de bleed qui nuit à une interprétation spontanée du bouleversement. A cela deux solutions possibles : la première, côté MJ,, difficile, étant de concocter des révélations toujours plus surprenantes et impactantes (il faut alors rivaliser avec les meilleurs scénaristes d'Hollywood ! La seconde, côté joueuse, de retravailler sur son sens de l'émerveillement.

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