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13 septembre 2016

❝L'équilibre défis-perso, c'est le mal.❞

❝L'équilibre défis-perso, c'est le mal.❞

Je pose ça ici pour ne pas oublier que Volsung 2d6plusCool m'a demandé de développer cette opinion personnelle.
[Edit: la viande arrive dans les commentaires]

20 commentaires:

  1. Quel développement, quelle argumentation, j'en suis baba !
    ;)

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  2. Je ne me rappelle même plus comment c est venu :)

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  3. L’équilibre défi-personnages, c’est le mal. Opinion toute personnelle et affaire de gout, je peux néanmoins expliquer les conséquences qui me déplaisent dans ce choix de jeu.

    Première partie : fantasmes sur l’origine du truc.

    Ce qui suit est mon idée de comment cela est apparu, pas le résultat d’une étude historique.

    Au départ du jdr, les personnages sont jetables. Vites créés, vites perdus. On en tue par paquet de 10, ils n’avaient qu’à être prudents. Et d’ailleurs où serait le défi, et donc où serait le plaisir, s’ils survivaient toujours ?

    Mais c’est que l’on s’y attache à ces petites choses. Perdre ses personnages de niveau 1 ou 2 c’est pas grave, mais perdre son lvl 15… Et on a en plus envie de raconter des histoires. À l’époque, il n’y avait pas encore Game of Thrones, dans les autres médias on suivait les mêmes personnages tout au long de l’histoire. Ça donne envie de faire la même chose en jdr. Et puis il y a cette belle carrière à explorer jusqu’aux confins des niveaux de personnage du jeu.

    Tout cela suppose que les personnages survivent. Et tant qu’à faire, autant contrôler aussi la régularité des XP, histoire que la progression des pj soit satisfaisante. On peut toujours répondre que les joueuses n’ont qu’à être prudentes, mais…

    Mais si on ne prépare que des choses infaisables pour les pj, ce n’est pas fair-play.
    Mais si on ne prépare que des choses trop faciles pour les pj, c’est ennuyeux.

    Et on a envie de raconter des histoires. Comme dans les films, livres, comics, … . Et on a envie de jouer des héros. Les personnages sont plus investis, plus attachant, les créations de plus en plus longues, il devient de plus en plus dur de les jeter.

    Et on inverse alors le fonctionnement. On ne suit pas les personnages pour voir ceux qui vont survivre et réussir, ceux que les évènements vont transformer en héro. Non, ils sont destinés à devenir des héros, ils vont survivre et réussir. Et pour leur faire vivre de belles choses, on prépare les scènes, et par économie on finit par les imposer ces scènes préparées.

    Et pour tout cela, on adapte les pratiques, les systèmes. On triche aux dés derrière le paravent pour empêcher les pj de mourir, on s’arrange avec les mécaniques et avec l’agentivité des joueurs pour que se déroulent les histoires qui vont bien. De nouvelles règles et pratiques apparaissent. Les PV négatifs, les points de destin, la règle d’or, … et l’équilibre défi-personnage.

    Et si je conçois que l’équilibrage défi-joueuse a de l’intérêt, celui défi-personnage me lasse froid (non pas de i). C’est pour moi un cul-de-sac technologique du jdr. Oh cela fonctionne, mais cela ne produit pas le jeu que j’aime.

    [à suivre...]

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  4. Juste pour être sûr : ce que tu appelles défi-personnage, c'est le fait d'inclure des défis (typiquement des combats) adaptés en fonction des capacités des personnages ?
    Typiquement, les sytèmes à la "facteur de difficulté" de D&D3 ?

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  5. Seconde partie : après les causes, les effets
     
    Vous pourriez croire que je vais vous parler des scénarios-chapelets-de-scènes-scriptées, mais ce n’est pas une conséquence de l’équilibre défi-perso, c’est juste une pratique qui y est liée, qui a àmha la même origine. (Et qui me déplait moins.)
     
    L’équilibre défi-personnage, c’est quoi au fait ? C’est tout simplement s’assurer que les personnages feront face à un défi qu’ils peuvent normalement remporter sans que celui-ci ne soit trop facile. Et cela passe en général par l’examen des caractéristiques chiffrées des PJ et la mise en concordance avec la résistance que le système peut offrir.
     
    Pour moi c’est parfaitement illustré dans DD3(.5) : les monstres ont un CR, challenge rating, et des règles pour calculer un CR pour des rencontres pour que ce soit « équilibré », avec des trucs du genre (j’ai écrit « du genre », ce n’est pas exact, je sais, je n’ai pas envie d’aller fouiller dans mon grenier pour un détail périphérique) : un groupe « standard » de 4 aventuriers de niveau X peuvent réussir 4 rencontres de CR X avant d’avoir épuiser leurs ressources (PV, …) ; après 4 aventures de 4 de ces rencontres ils auront gagné assez d’XP pour passer de niveau.
     
    Tout d’abord ce n’est pas une science exacte, c’est approximatif et peut partir en sucette à la moindre fantaisie d’une joueuse. À moins que le jeu ne soit parfaitement cadenassé, c’est-à-dire qu’il s’assure du résultat, ce qui revient à retirer toute incertitude de ce qui devrait être un défi.
     
    Ensuite c’est un travail de préparation conséquent : il faut concevoir des rencontres adéquates en tenant compte des combinaisons de règles que les joueurs peuvent exploiter (parce qu’un outil comme le CR donne une orientation, mais ce n’est qu’une approximation préalable, rien de plus), les mettre en concordance avec une fiction, vérifier que la fiction ne permet pas d’échappatoire trop évident, … Il y a des gens qui aiment, moi pas : c’est trop de travail et cela produit un jeu qui ne me plait pas trop.
     
    Trop de travail, ou pas mal de travail… qui peut être prémâché par l’auteur d’une campagne, bien sûr, mais tout cela renforce la tentation des scénarios-chapelets-de-scènes-scriptées.
     
    Jeu qui ne me plait pas trop : car cela réduit le champ du jeu. De trois manières au moins :
     
    1.       L’assurance que les personnages peuvent surmonter tout ce qu’ils rencontrent, tout ce qui est identifié comme « épreuve ». Cela retire une grosse part d’incertitude et tout le jeu qui se développe autour.
     
    2.       à savoir trop souvent orienter le jeu sur le combat, éventuellement la magie. Car l’équilibre défi-personnage ne se concentre trop souvent que sur cet aspect. Et donc la solution « prévue », celle que les joueuses voulant rester dans le cadre du jeu vont suivre, est celle du combat. C’est triste alors que le jdr permet tant d’autres choses. (Je ne dis pas que c’est du mauvais jeu, juste que ce n’est pas ce qui m’attire en jdr)
     
    3.       Une concentration sur les aspects gérés directement par le système, ce qui :
    a.       Évacue grandement le player skill, ou plus exactement favorise la maitrise des règles (qui est un aspect du player skill) au détriment du reste (créativité, positionnement fictionnel, relations sociales, connaissance et maitrise de la fiction…)
    b.      Pour qu’il reste du jeu, cela pousse vers des jeux à grosses masses de règles où l’on recherche des combinaisons efficaces. Cela pourrait pousser vers des jeux où les règles sont simples mais leurs combinaisons riches, mais c’est beaucoup plus difficile à concevoir, surtout dans le cadre d’un jdr où tout cela doit être logiquement lié à la fiction. Mais dans les deux cas cela ne me plait que modérément, la maitrise et l’exploitation des règles ne m’intéressent tout simplement pas.
     
    Voilà pourquoi

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  6. l’équilibre défi-personnages est le mal.

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  7. Merci pour ce beau développement, c'est ce que j'avais cru comprendre de ton affirmation😃
    Et effectivement je trouve ça naze aussi

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  8. Baaaaah l'equilibre défi-personnage n'a lieu d'être que sur ces jeux tactiques. Cet équilibre est une conséquence d'un type de jeu que tu décris.Même dans un jeu aussi simple qu' Abstract Dungeon, il est capital d'évaluer ses stocks en fonction du nombre de joueur à la table pour éviter le TPK assuré.
    L'equilibre défi-personnage n'est pas le problème, c'est le jeu lui même qui le rends nécessaire.

    Est ce qu'a toutes les tables de Dungeon Crawl (Hors OSR) lors de "la scène 6 l’assaut des Gnolls" il est envisageable d'esquiver la bataille rangée , l'xp au dé de vie, et les loots en engageant des pourparlers, ou du bluff lorsque le barde est perché sur une montagne de poudre noire avec une torche ?
    "Un pas de plus et on crève tous!"

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  9. Non. Tu peux avoir un jeu tactique sans équilibre de ce type à ce niveau de jeu. Si le but du jeu est "sortez-en du mieux que vous pouvez (si possible vivants et avec le plus bénéfice)", c'est très différent de "résolvez toutes les rencontres dans l'ordre uniquement à l'aide des scores de votre feuille" côté joueuse et "évitons de tuer trop de personnages" côté arbitre. L'équilibre n'est de toutes façon réaliste qu'en réduisant le nombre de solutions possibles (et le scénario-chapelet-de-scènes-scritpé aussi, c'est concordant).

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  10. Je comprends ta critique, et je la partage totalement.
    Ceci dit, l'immense majorité des joueurs a appris le JdR comme ça. Combien se posent la question de la pertinence des PVs ? Combien théorisent sur le Potentiel Ludique ™ d'une action ? Combien acceptent de se prendre une contrepartie terrible pour leur personnage pour voir ce qui va se passer ?
    J'en connais plein parce que je joue en virtuel avec des tas de joueurs différents, mais combien d'entre vous connaissent ces vieux joueurs qui jouent sur la même campagne de D&D depuis 10 ans et qui n'envisagent même pas un instant d'en sortir pour jouer différemment ?

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  11. Merci pour cette analyse.

    Tu nous annonces expliquer pourquoi "l’équilibre défi-personnages est le mal", mais dans tes arguments, tu démontres juste que cela ne correspond juste pas à ce qui t'attire en jeu.

    Je trouve que le postulat défendu est au final plus proche de "l'équilibre défi-personnages, j'aime pas ça", plutôt que de "l’équilibre défi-personnages est le mal".

    C'est intéressant aussi, mais ça ne prouve pas que cette pratique soit purement négative ^^.

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  12. Whidou Whadou oui tout à fait. D'ailleurs je ne m'en cache pas du tout, du début à la fin, regarde : Opinion toute personnelle et affaire de gout, je peux néanmoins expliquer les conséquences qui me déplaisent dans ce choix de jeu. (...) Il y a des gens qui aiment, moi pas : c’est trop de travail et cela produit un jeu qui ne me plait pas trop. (...) (Je ne dis pas que c’est du mauvais jeu, juste que ce n’est pas ce qui m’attire en jdr) (...) la maitrise et l’exploitation des règles ne m’intéressent tout simplement pas.

    Bien entendu ce n'est pas une pratique purement négative, ni même négative tout court. C'est un mode de jeu, à et à voir à quel point certains s'y investissent, je suis sûr qu'ils en sont très satisfaits.

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  13. tes intentions de développer une opinion et non une analyse d'un style de jeu m'ont parues claires, pas de soucis.
    Et en effet il y a pléthore de jeux pour lesquels c'est très recommandé (ex les Abstract * )

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  14. Justement, le parti pris est très clair dans le texte, c'est plus le décalage avec la thèse de départ qui me surprenait :-).

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  15. L'influence des médias d'information, sûrement ;)

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  16. Defi-personnage, c'est la base du jeu, non ? L'équilibre risque enjeux imposé par le MJ est stérile, je suis plutôt d'accord avec toi. Mais si c'est le joueur qui se choisi cet équilibre ?

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  17. Bien vu, Docteur Chestel, c'est effectivement un truc implicite dans la proposition mais qui a vraiment toute son importance.

    Défi-personage la base du jeu... je ne sais pas (à prendre au 1er degré, et non pas comme une façon effacée de dire que je ne serais pas d'accord). Historiquement, certainement. Toutefois, ce n'est pas ce que je cherche en premier lieu. C'est évidemment juste moi... Et j'en cherche quand même, dans le sens où je recherche souvent une certaine résistance, façon de parler d'interactivité, parfois des obstacle à éprouver, mais pas nécessairement à surmonter. Au minimum cela reste une partie importante, oui, mais pas nécessairement au coeur.

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  18. Reflexion du matin...
    Si le defi-personnage (j'aime bien ce terme) n'est pas ce qui est au coeur du jeu, qu'y a t'il d'autre ? Un défi peut avoir un enjeu d'estime de soi, social, sécuritaire, de confort ou vital, et qui peut avoir pour résultat un échec ou une réussite. C'est la composante émotionnelle.
    Je pense au world building comme autre composante, mais plus intellectuelle : je prends un plaisir intellectuel à bâtir un univers mais je ne le ressens pas au niveau des tripes tant que "mon" personnage n'y est pas immergé.

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  19. Intéressant. La question que je vois est : est-ce que l'affrontement du défi par le personnage est la priorité de la joueuse ? Ou est-ce un prétexte, un accessoire, voire inutile (hem) ?

    À mon niveau je peux prendre du plaisir à construire et préserver l'image du personnage, le montrer et le faire évoluer, éprouver sa place dans le monde, la vie quotidienne ; l'implication émotionnelle sans pour autant viser la résolution de défis ; le cvc ; jouer une histoire en en respectant les codes ; jouer pour l'amusement des autres joueurs...

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