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1 février 2017

Jeux complets (again) et propositions ludiques ciblées


Jeux complets (again) et propositions ludiques ciblées

On dit souvent que les jeux de rôle – rhâââ ces problèmes de terminologies ! « indie » ? « narrativistes » ? « modernes » ? – je ne sais pas moi. Hurmph. Je reprends. Il y a une volonté chez certaines créatrices de jdr d’écrire des jeux qui donnent tous les éléments nécessaires pour jouer, comme un jeu de société traditionnel. J’ai tendance à penser que c’est impossible dans une règle de volume raisonnable, ou alors cela appauvrirait fort le jeu. (Je résiste à la tentation de refaire un couplet sur le mythe du jeu complet – qui est lui aussi une opinion personnelle.) Quand je vois une partie des jeux produits, je vois des jeux incomplets (biais de confirmation ?), mais avec d’autres lacunes que les jeux d’autres écoles. Des jeux qui ne donnent pas les mêmes appuis. Est-ce parce que ces créatrices ont intégré les outils, les techniques des jeux antérieurs ? Ou est-ce parce que ces appuis ne sont finalement pas nécessaires ou peu prioritaires ?

(Ce sont de vraies questions, hein, pas de la rhétorique à deux balles.)

De là à penser que ce ne sont pas des créations qui précisent plus de choses importantes, mais qui précisent ce que leurs parents conceptuels laissaient de côté par manque de bande passante ou d’expérience, tout en s’appuyant implicitement dessus, il n’y a qu’un pas. Que je ne franchis pas, mais j’admets avoir un pied levé.

Pour le moment, je ne vois qu’un seul apport spécifique qui est au moins un axe de diversification intéressant, si pas une réelle plus-value : une proposition de jeu bien délimitée. Qui permet en se mettant d’accord sur le jeu de savoir exactement ce que l’on va faire. En théorie, car si la proposition des règles est souvent bien délimitée, elle pêche souvent par manque de clarté, de pédagogie, d’outils pour la vendre et la communiquer. (Quand il n’est pas trompeur, DiTV je te regarde.) Chaque fois que l’on vous dit « c’est parce que tu n’as pas testé le jeu », « c’est parce que tu n’as fait qu’une (ou que deux, que trois, que…) parties », vous êtes victime de ce manque. C’est pour moi un axe d’amélioration possible pour tous les jeux. MAIS qui se fait au détriment de la richesse du jeu. Je plaiderais donc pour des outils de décision et de communication, plus que la réduction du domaine du jeu. Bien sûr, il y a un équilibre à trouver entre les deux.

Cette proposition bien délimitée permet de passer moins de temps à « accorder » un groupe, voire à trouver les bonnes joueuses à force d’essais. Mais ce n’est pas sans contrepartie : cela crée une segmentation plus forte des joueuses, plus de refus de jouer. Des jeux plus flous auraient tenté plus de joueuses, qui aurait su qu’elles ne savaient pas exactement à quoi elles s’engageaient, mais qui auraient été prêtes à tenter, à faire l’effort. À s’accorder aux autres, accorder le jeu, jusqu’à trouver un terrain commun. Ou pas, bien sûr. Mais pendant tout ce temps-là, elles jouent. Les propositions précises créent beaucoup plus de refus : ceci et rien que ceci ? cela ne me tente pas. On passe plus de temps à chercher les joueuses qui correspondent à la proposition. Qui arrivent avec une idée très précise de ce qu’elles cherchent, et là elles se rendent souvent compte que tout le monde n’a pas compris la proposition de la même manière. Qu’elle n’était pas assez bien délimitée (ou communiquée, cf supra). Et c’est la rupture. Au final je rencontre plusieurs difficultés avec cette évolution :
- Le jeu est plus étroit que son pitch, ou décalé par rapport à celui-ci. quand je le découvre, je me rends compte qu’il ne correspond pas à ce que j’attendais.
- Je passe plus de temps à chercher ces joueuses.
- Je m’accorde moins avec ces joueuses, nous ne nous rassemblons qu’autour du jeu, avec moins d’effort de rencontre, c’est socialement moins satisfaisant.
- Plus de rupture de groupe car moins d’effort de rencontre, moins d’investissement dans le groupe, le jeu est le seul point commun et quand au final il ne convient pas…

Mais au final cela reste diablement intéressant.

14 commentaires:

  1. si tu veux appeler un chat un chat, je suppose que tu es en train de parler des jeux à forte cohérence interne

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  2. personnellement je parle de jeux de l'école forgienne ou jeux forgiens.
    Ensuite je ne comprends pas le biais de ta pensée: bien sûr que c'est limité à un certain type de proposition mais est-ce que Donjon et dragons n'est pas aussi limité? Je veux dire on parle d'exploration et de bastons, ça n'intéresse pas tout le monde. Ensuite les jeux forgiens ont tout de même une capacité à générer des choses très larges.
    Dans Breaking The ice tu émules des comédies romantiques qui vont du truc pur sucre à du "Quand Harry rencontre Sally" en passant même par des comédies dramatiques douce-amères.
    Happy together, Thomas l'a montré, peut se jouer avec des bikers ou dans l'espace! C'est assez large.

    Au delà de l'argumentaire je trouve que tes idées de débats me paraissent orientées. J'ai le sentiment que tu as juste envie de dégommer les théoriciens adeptes de l'école forgienne. Mais au lieu d'y aller de front tu poses des débats sur l'intérêt de leurs travaux.

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  3. j'en sais rien en fait Thomas Munier. Sans doutes un sous-ensemble, mais je ne me sens pas bien étayé là--dessus.

    Merci Doc Dandy. Tu es le 2e avec Frédéric Sintes à me signaler que j'ai l'air d'en vouloir aux forgiens. Ce qui n'est pas du tout le cas, pas du tout ce que je veux exprimer, pas du tout ce que je ressens. J'ai manifestement un problème de communication. Je suis très mal placé pour avoir un regard objectif sur ce que j'ai écrit, mais j'essaye.

    Je vais faire un message de clarification dès que j'en ai l'occasion, j'espère ce soir ou demain. En attendant, puis-je t'inviter à relire ce fil ci avec mon assurance que ce n'est pas le cas ? Je ne parle même pas uniquement des jeux forgiens. Ils s'inscrivent probablement massivement dans cette tendance, mais ils ne sont pas les seuls.

    Bien sûr que DD est limité, tous les jeux le sont. Je suis bien conscient que l'on peut avoir une infinité de variantes dans un espace délimité, que cette infinité n'est pas plus petite ou plus grande en variant la taille de l'enclos. Mais cependant les enclos sont de taille différente. DD est limité, mais je subodore cependant que la proportion de joueuses qui ont passé plusieurs années, ou plusieurs dizaines d'années de leur vie à jouer à donj' pami celles qui ont essayé donj' est et restera sensiblement plus grande que la même mesure pour Breaking The Ice. Et ce n'est pas un reproche que j'adresserais à ce dernier, cela correspond simplement à l'ambition du jeu. C'est une manière d'apercevoir la richesse/largeur/profondeur de la proposition. Qui, elle aussi, ne va pas sans revers à sa médaille, revers eux bien connus et maintes fois critiqués : masse d'ouvrages, confusions difficultés à s'accorder sur la pratique, les conseils nécessaires pour "bien" jouer... Est-ce que, sur ce point au moins puisque c'est celui-ci que j'ai l’occasion d'attaquer maintenant, ma position te parait moins injuste ? moins vindicative ?

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  4. Ton argument est biaisé par ton propre passé de rolistes, ce qui est souvent le cas pour pas mal d'entre nous. On a du mal à assumer qu'il faut vraiment sortir de nos pantoufles, qu'il faut faire un effort, que c'est pas du med-fan, etc. Quand on voit les réactions de certains fasse à des jeux sans surnaturel / SF ou sans gestion de combat on voit bien que les habitudes ont la vie dure.
    Bah oui tes potes poilus vont pas se jeter sur un SENS ou un Breaking The Ice, et alors?
    C'est justement l'intérêt : ouvrir le média à un public différent et proposer des expériences différentes aux vieux briscards.
    Ce n'est pas mieux ou moins bien, c'est différent.
    Au passage les mécaniques spécifiques très différentes des jeux classiques ne posent aucun problème à ceux qui n'ont jamais fait de jdr.

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  5. Euh, oui, bien sûr à tout cela, mais je ne vois plus du tout le rapport. ?

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  6. Hum je réalise que je suis un peu hors-sujet en fait. J'ai le sentiment que tu parle plutôt du fait que comme les jeux à forte cohérence interne proposent une expérience très spécifique, c'est plus difficile de recruter des joueuses que si tu proposais un jeu-banquet où ce sont essentiellement les joueuses qui font le jeu. Note par ailleurs que si tu proposes des jeux-banquets, tu t'aliène un autre public : celui des joueuses focalisées sur les jeux à forte cohérence interne. En fait, ce qui fédère le groupe de joueuses autour de ces jeux à forte cohérence interne, c'est la volonté d'expérimenter, quitte à changer de jeu à chaque séance.

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  7. Je n'ai répondu que partiellement sur le sujet en me focalisant sur "les jeux différents qui changent trop les habitudes des joueurs habituels".
    Pour cette histoire de jeu à proposition forte (terme maladroit mais que j'ai utilisé dans mon article sur la question ici http://lesbonsremedes.overblog.com/2014/04/la-proposition-ludique-le-tierce-gagnant.html), ils sont le fruit d'un constat inverse: les jeux à proposition large qui sont justement sources de frustration.
    Un jeu trop large dans ses propositions a toutes les chances de faire des mécontents car, justement, rien n'est clair. J'ai encore le souvenir douloureux de mes parties de Vampire où je m'attendais à de gros dilemmes et sur des questionnement sur ma nature de pj vampire et de me retrouver à jouer des super-héros gothiques perdus dans des intrigues qui les dépassent.
    là aussi la question n'est pas de savoir ce qui est mieux, juste de comprendre les différences.
    En gros: jeux à proposition large => risque d'erreur de casting et/ ou de frustration VS grande liberté de choix sur les thèmes.
    Jeux à proposition restreinte => difficulté à fédérer un groupe autour de ça VS garanti de jouer vraiment à ce qu'on recherche.

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  8. Exactement ça. De toutes façon, la variété des approches est une richesse, mais je voulais souligner la dynamique sociale dans la recherche des partenaires de jeu engendré par l'approche "proposition ciblée" qui découle en partie de la valeur "la règle est complète", en partant de l"idée que la proposition traditionelle est suffisament bien comprise, y compris dans ses lacunes, pour ne pas devoir allonger encore le messagte.

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  9. "l"idée que la proposition traditionelle est suffisament bien comprise, y compris dans ses lacunes, pour ne pas devoir allonger encore le message" uniquement si on parle d'un cercle de rolistes classiques et habitués à certaines pratiques.
    Quand tu a un noob ou un moldu ça ne pose pas de problème, à moins bien sûr que le jeu en question soit plutôt hardcore (oui, Blood Red sands, c'est toi que je regarde) ou carrément bizarre dans ses mécaniques.

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  10. Je vais trop vite et je ne suis pas clair :/ Je la refais : je voulais parler, dans ce message, de la dynamique sociale dans la recherche des partenaires. J'ai parlé uniquement du côté "proposition ciblées", qui découle en partie de l'approche "la règle doit être complète" car j'estimais que l'autre versant (les autres versants ?) étaient déjà suffisament connus et que le message était déjà assez long comme cela. Et en fat je parlais donc des vieux rôlistes polyvalents qui trainent par ici, non pas en tant que joueurs potentiels mais en tant que lecteur de mon message : pas besoin de leur, de vous dresser la carte des forces/faiblesse des autres jdr, c'est supposé connu.

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  11. Oui. Et des jeux tradis clivants que ce soit en terme de thématiques, d'univers ou d'accessibilité des mécaniques, on en connaît aussi. L'idée du jeu tradi qui fait l'unanimité parce que malléable a ses limites.

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  12. Oui, ce sont des tendances, c'est 'généralement plus de ce côté ci' ou 'plus de ce côté là', les deux sont intéressants, il y a des équilibres à rechercher et ils différent suivant le public et son évolution.

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  13. Quoiqu'il en soit je mets un point d'honneur à être très clair dans mes propositions de jeu. Ca clarifie grandement les attentes qu'on peut en avoir.

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