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22 octobre 2017

(Parce que l'on me l'a demandé, voici un résumé personnel.)

(Parce que l'on me l'a demandé, voici un résumé personnel.)

Le PbTA et les styles télévisuel et cinématographique. Le PbTA (plus précisément : les jeux PbTA à moves type AW) est souvent envisagé comme un type de système permettant / poussant une simulation de genre. Ce qui est vrai. Pour moi une conséquence indirecte des objectifs de design, mais une conséquence bien réelle.

Les moves classiques sont en fait une résolution de conflit telle que popularisée par la Forge : au lieu de résoudre une action plus petite (par exemple : un seul échange, voire un seul coup, dans un combat) par une réponse oui/non (résolution de tâche), le système résout une action plus globale (tout le combat, ou une phase significative de celui-ci) avec une réponse qui change significativement la situation. Dans beaucoup de jeux, cela nécessite un arrêt long de la fiction qui provoque souvent une rupture de l’éventuelle immersion dans le personnage et/ou de la position d’acteur pour passer un temps en négociation des enjeux : qu’est-ce qu’on essaye de résoudre, quelles sont les issues possibles. AW change cela en fixant de manière forte ces éléments à l’avance. Cela permet d’accélérer fortement l’intervention des règles, mais limite les choix de possibles. En rédigeant les moves, bien naturellement, l’auteur.e choisit les possibilités pour coller au type de partie visées, c’est-à-dire au genre.

Beaucoup de jeux PbTA cherchent alors à reproduire ce que l’on voit dans des fictions télévisuelles ou cinématographiques, donc voilà.

Tout cela va orienter/diriger toute la fiction, le jeu.

Second aspect : l’utilisation du langage cinématographique dans les narrations et descriptions. Décrire la fiction comme si on la découvrait à travers un film, une série. Les joueurs et joueuses peuvent décrire divers éléments du langage cinématographique : titres et génériques, musiques extradiégétiques (sauf qu’alors elle ne l’est plus vraiment), séquence pré-générique, bétisier, résumé télévisuel, plans et mouvements de caméra, éclairage, effets de montage (ralentis, coupes, fondus…), mais aussi acteurs, réactions des spectateurs, des fans… tout cela sont des effets stylistiques. Cela est potentiellement totalement indépendant de la fiction générée (séparation fond/forme), mais est généralement conçu en cohérence. Personnellement, je trouve que c’est souvent plus un appauvrissement au nom d’un effet de style, mais bien utilisé et avec parcimonie, c’est bien. Mais là c’est juste une appréciation personnelle, rien de plus.

Comme dans tout design, qu'il soit fait au moment de la conception du jeu ou au moment de la partie, choisir est renoncer, limiter les possibilités.

18 commentaires:

  1. Mais ça peut pas être aussi courant ^^ Au point d être sujet à débat. Je pensais être le seul à faire ça à un 'on voit' d' Antoine Pempie​ près !

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  2. Je pense que la résolution par conflit peut être toute aussi nuisible à la posture d'acteur que la résolution par tâche. Résoudre par conflit, tel que c'est fait dans Apocalypse World, prive la joueuse de son agentivité en l'empêchant d'impacter l'action à un niveau micro, et en imposant des attitudes a posteriori (la fameuse phrase "tu hésites ou tu lambines"). Si le long temps technique et les allers-retours fiction-mécanique nuisent à la posture d'acteur dans les systèmes de résolution par tâche (en tout cas ceux qui sont lourds), le caractère elliptique et les retombées arbitrairement fixées par les dés et le texte de règle nuit tout autant à la posture d'acteur dans Apocalypse World. Ceci acté, tant qu'à jouer des marionnettes, autant décrire les plans de cinéma.

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  3. Gherhartd Sildoenfein. Je ne suis pas complètement d'accord avec toi sur le PbtA et la résolution des moves. Un peu certes notamment dans les grands principes, mais je pense personnellement qu'il y a plus de souplesse que ce que tu évoques quant aux enjeux a priori ou aux conséquences a posteriori, qui en dehors du cadre de résolution prescrit par les règles sont en réalité souvent discutées voire négociées (sous l'arbitrage de la mécanique).
    Whatever à la limite...
    Je suis en revanche plutôt d'accord sur l'utilisation du langage cinématographie. Ponctuellement, ça peut renforcer des effets de narration, mettre la table dans un certain mood ou même constituer plus simplement une contrainte narrative intéressante... Utilisé de manière systématique, ça peut devenir justement une contrainte parfois contre-productive notamment au regard de la proposition de jeu ou du genre. AMHA aussi.
    Là encore, whatever...
    En revanche, ma question... quel est le lien entre les deux sujets ? Moi je n'en vois pas et de facto, "Le PbTA et les styles télévisuel et cinématographique" c'est pour moi un non-sujet... Les deux pris isolément sont intéressants mais je vois pas en quoi l'un influe sur l'autre... (mais c'est là encore, mon appréciation personnelle).

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  4. (attention, enfonçage intensif de portes ouvertes imminent)
    Thomas Munier à propos de la résolution par tâche, par conflit par liste de choix et ou par conflit négocié, aucun système n’est complètement vertueux par lui-même. Chacun va solliciter différemment nos compétences d’immersion. Oui, la résolution à “pas fixe” d’AW et ses clones peut être nuisible. Comme souvent, ce qui va jouer (je crois), c’est « est-ce que je me retrouve face à un obstacle que je n’avais pas prévu ». Dans mon expérience, la limitation étant présentée et visible dès le départ de partie et faisant partie du contrat, elle n’est pas gênante quand le jeu a été bien conçu et que l’on reste dans son périmètre. S’il n’y a pas d’accord sur le genre, évidemment, c’est problématique, ce n’est pas un système souple de ce point de vue. Mais pas de micro-traitement fait partie du contrat d’AW et d’autres PbTA on d’autres propositions. Par exemple les actions de combat de Dungeon World proposent une autre granularité.

    La résolution par tâche rencontre souvent le problème de la stagnation, le redouté : « je le frappe, je le rate, il te frappe, il te rate, je le frappe, touché, 2 points de dégâts, il te frappe, il te rate… » qui fait tout autant sortir de la fiction et du personnage car l’on n’y replonge pas entre chaque passe du système de résolution (ce que l’on devrait théoriquement faire, ce que AW fait lui très bien). Ici aussi, pas de variété possible sur l’échelle de résolution : le pas est tout aussi fixe. (Comme les conditions d’intervention de la mécanique et le nombre d’issues possibles.)

    La résolution de conflit négociée répond en partie à ces critiques / lacunes, mais la souplesse demande plus de négociation et temps de traitement entre joueur dès le moindre appel à cette partie du système, donc généralement une rupture forte de l’immersion personnage et de la posture d’acteur.

    Mais globalement il s’agit de choisir ce que l’on favorise et pénalise par le système, il n’y a pas à ma connaissance de solution idéale.

    « Tant qu’à jouer des marionnettes, autant décrire les plans de cinéma » j’avoue que je ne vois pas du tout la liaison entre les deux. La plupart des systèmes de règles limitent nos libertés tant d’auteur que d’acteur, beaucoup défendraient même que ces contraintes sont utiles, voire nécessaires, pour que nous puissions vraiment nous exprimer et être créatifs. Limiter ce qu’un PJ est en capacité d’accomplir en jeu est une contrainte on ne peut plus courante en jdr et semble être une étape utile à une certaine vraisemblance.

    Singer le vocabulaire cinématographique et télévisuel est un autre type de choix, portant sur une autre partie du jeu, qui peut avoir ces influences sur la fiction par des échos entre le fond et la forme, mais au-delà de cela, je ne comprends pas du tout la liaison que tu fais.

    Damien Rahyll : entièrement d’accord avec toi, les deux gagnent à être traité indépendamment et la superposition des deux n’est que coincidence. Cependant, la question m’ayant été posée en ces termes… j’ai tout de même choisi de séparer les deux, mais au sein du même message.

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  5. Gherhartd Sildoenfein Ton point était que la résolution par conflit d'AW permettait de rester immergé dans la fiction et favorisait ainsi la posture d'auteur, et que toute tentative de cadrage et de mise en abîme de la fiction nuisait à la posture d'acteur et donc détournait l'expérience de jeu (car c'est ce qu'implique le jeu cinématographique / sériel tel que le pratique par exemple +Volsung : à la fois orchestration des arcs narratifs par le MC et régurgitations descriptives des actions des PJ en reprenant les codes cinématographiques (mouvements de caméra, sonorisation...). Mon point était que la résolution par conflit d'AW n'est pas si émancipatrice que ça (notamment par perte de positionnement à une échelle micro mais aussi parce que le MC a souvent la mainmise sur la description des échecs), et que par conséquent, ayant réfuté ton premier point, je réfute ton second.

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  6. Mmmh j'ai dû mal m'exprimer si c'est ce qu'il en ressort. Mon point était que les choix de design d'AW poussent vers une simulation de genre, et que ce genre est souvent repris de fictions télévisuelles et cinématographiques (car telle est notre culture). Et, de manière indépendante, le choix par les participants.es (avec toutes les dynamiques sociales qui font peut-être que ce choix n'en est pas un pour chacun.e) d'une manière en description. Par recherche de cohérence fond/forme, il ya souvent convergence. Donc pas de causalité directe entre les deux.

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  7. J'ai l'impression que tu mènes plus une charge contre le jeu (AW) que vraiment contre l'analyse... je me trompe ?

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  8. Là par contre, si ton point est que les tropes d'AW reproduisent ceux d'un genre cinématographique (je suppose des films tels que Mad Max ou New York 1997), cela ne justifie pas de faire une mise en abîme par le biais d'une mise en scène faisant écho explicitement au média cinéma, parce que les tropes sont diégétiques, alors que la mise en scène est méta, et que si les tropes peuvent être immersifs, la mise en scène peut devenir contre-immersive en nous sortant de la diégèse pour aller vers le commentaire. Je pense pour ma part qu'à l'heure où nos imaginaires sont essentiellement cinématographiques, nous pensons et nous visualisons les fictions comme le cinéma nous a appris à le faire. Nous amener à visualiser le maelstrom rôliste en mode cinéma n'est plus si contre-immersif qu'on pourrait le croire, car les codes du cinéma sont tellement digérés dans notre culture qu'on ne voit plus leur effet d'iréel. Le cinéma est devenu le réel.

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  9. et non, c'est bien de l'analyse que je parles, pas du jeu. On aurait pu parler d'un autre type de résolution par conflit (Burning Wheel, je te regarde).

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  10. Pour moi le mode de description télévisuel est totalement contre-immersif et très rarement utilisé à bon escient, réduisant souvent le langage disponible à peu de chose de plus que l'intersection entre le vocabulaire du jdr et celui de la télévision :/ Mon imaginaire et ce que je recherche en jdr n'est que très peu télévisuel. Je consomme pour le moment environ 6h de télévision semaine, le double d'il y a quelques mois et je trouve que c'est vraiment beaucoup trop. J'aimerais bien retomber à 1h/semaine. Et je cherche à retrouver du temps et du gout de lecture, pour moi infiniment plus riche.

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  11. Ergo pour les fans de cinéma, la mise en scène et la mise en jeu cinématographiques sont immersives, et pour les autres elle ne l'est pas :)

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  12. ergo, ergo, c'est aller un peu vite en besogne. On peut être fan de cinéma et rechercher autre chose en jdr.

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  13. Oui c'est une autre possibilité. Mais dans ces cas-là ça m'intéresse de savoir pourquoi tu ne veux pas du cinéma dans ton jdr.

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  14. Oh il n'est pas interdit. Juste pas trop souvent. Et de préfèrence avec une bonne raison / utilisation. Action Movie World, Bimbo, Channel Fear le justifient bien. Avec des modalités différentes. Tout comme Masks ou Marvel Heroic RPG justifient bien une narration en Comics. Et, je suppose, Freak Squeele en BD.

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