Pages

21 septembre 2018

[⚠ long] Je reprends un post plutôt raté de la semaine passée à la base, en essayant d’être plus clair.


[⚠ long] Je reprends un post plutôt raté de la semaine passée à la base, en essayant d’être plus clair. (Vous me direz si j’y arrive ?). Une des difficultés du post précédent était le nombre de supposés et d’enchainements implicite. Pour faciliter les choses, j’ai numéroté les étapes ici en mode « revoyons l’action au ralenti ».


A. Ironie dramatique, transparence, opacité, apartés

1. Dans les médias statiques, l’ironie dramatique est cette tension qui nait quand le public connait quelque chose que les personnages ne connaissent pas : le monstre qui s’approche derrière le personnage, le plan machiavélique du méchant, la fin… (Parce que l’œuvre a commencé par-là, a donné cet élément de manière anticipée par rapport à la chronologie fictionnelle, parce que c’est une préquelle, parce que c’est clairement annoncé dans les éléments paratextuels…). Ou plus exactement, c’est le fait de donner ces éléments au public et d’en jouer.

2. En jdr, sans public (oui, les joueuses et joueurs sont aussi un public, mais si je commence à les catégoriser comme tel, je ne vais plus m’en sortir au niveau du vocabulaire), l’ironie dramatique peut être reproduite en jouant en transparence, plus ou moins prononcée. C’est-à-dire que les joueuses et joueurs connaissent ou déterminent certains de ces éléments que leurs personnages ignorent. Volontairement, et utiliser cette connaissance pour mettre en œuvre l’ironie dramatique. Se précipiter dans un piège, dire exactement les paroles qui sont insupportables à l’autre partie… C’est l’ironie dramatique de l’auteur. La transparence peut avoir divers degrés, mais généralement elle fait fi des secrets entre joueurs, et parfois même expose des éléments classiquement réservé au meneur : l’intrigue, le déroulé chronologique du décor, ce qui se cache derrière les apparences…

3. (En opposition, il y a le jeu en opacité, souvent au prétexte d’éviter l’exploitation par le joueur d’éléments inconnus du personnage, dans une perspective de défi stratégique et de « réalisme », à celui de favoriser une immersion maximale en rapprochant la vision de la joueuse de celle du personnage, ou à celui de ménager des découvertes et des surprises. L’ironie dramatique n’est alors accessible qu’à celle ou celui qui a les informations, généralement la ou le MJ.)

4. Dans mes cercles, il y a une nette préférence, qui croit depuis quelques années, pour le jeu en transparence.

5. Le jeu en transparence est peu compatible avec les apartés rôlistes (morceau de partie où des participants et participantes s’isolent en sous-groupe, ce morceau de partie n’est pas directement accessible aux autres). (À distinguer de l’aparté théâtral ou un personnage échange avec le seul public, chose impossible en jdr sans public.)


B. Diffusions de parties

1. Le nombre de diffusion de parties de jdr, en direct ou en différé, augmente bien fort ces derniers temps.

2. Le jdr avec public est destiné la fois pour les joueuses et joueurs, et pour le public. Ce dernier est plus nombreux, et plus durable (la partie est jouée une seule fois, elle peut être écoutée plusieurs fois). Dans un bon nombre de cas, il s’agit de parties « jouées comme d’habitude » qui sont diffusée.

3. Mais que ce soit par décision éditoriale, par défi, ou par attrait du score de fréquentation, d’autres sont adaptées aux spectateurs et spectatrices. Elles sont pensées aussi pour eux et elles, voire avant tout pour eux et elles. La nature du spectacle est d’être pensé avant tout pour le public (le théâtre, le cinéma, la littérature, le football… ne sont pas vraiment conçus en priorité pour leurs acteurs.) C’est donc une direction d’évolution naturelle pour ce qui devient spectacle. Y compris le jdr.

4. Changer la cible de la partie change la conception de la partie, change la partie. Au départ des éléments « anodins » : faire attention à sa diction, énoncer les règles que pourtant tout le monde connait à la table, expliciter le langage gestuel ou ce qui se passe hors champ, répéter une phrase quand on a bafouillé, montage, choisir le jour et l’heure de la partie. Mais qui glissent vers des éléments plus marquants : choisir les joueuses et joueurs pour assurer la qualité du spectacle, pour leurs qualités audio- ou ciné-génique, parce qu’elles et ils sont actrices et acteurs ; donner un rôle décisionnel au public ; concevoir le jeu (système) pour son côté spectacle.

5. Si la popularisation se maintient il serait logique que ces changements augmentent en intensité et prévalence.

6. L’image publique du jdr en sera altérée, ce qui amènera probablement un feedback dans les manières de jouer sans public, où l’on reproduira consciemment ou non ce qui nous est présenté médiatiquement (par des médias « amis ») comme étant le jdr.


C. Retour d’ironie

1. Dans les possibilités d’évolution vers le public, il y a celle de retrouver une ironie dramatique à sa destination.

2. Ce qui suppose une ignorance des joueuses et joueurs par rapport au public.

3. Et pour cela, nécessairement, (le retour vers) un jeu en opacité.

4. Et donc, nécessairement, des apartés théâtraux. Voire rôlistes.



J’espère avoir été plus clair dans l’exposition de ma réflexion de ce qui n’est qu’une possibilité. ?

13 commentaires:

  1. Ouaip, c'est clairement plus clair :)

    RépondreSupprimer
  2. C'est effectivement limpide... MAIS, le point C. est un peu péremptoire... au doit mouillé (à moins qu'il n'exprime simplement un souhait personnel) parce que je ne vois pas (et tu ne démontres pas, le peut-on seulement ?) en quoi le développement de la médiatisation rôlistique et ses enjeux (que tu décris formidablement bien selon moi) va "nécessairement" aboutir à un retour du jeu en opacité... ça ne me paraît, à moi, pas évident du tout.

    RépondreSupprimer
  3. Le c.3 est nécessaire au C.2, conséquence du C.1 qui n'est qu'une possibilité. Non, effectivement il n'y a aucune fatalité là-dedans, juste une possibilité qui s'ouvre.

    Avec plein d'autres, comme celle d'augmenter la peur du ridicule (en comparaison avec les futures vedettes du JdR diffusé), et donc de bloquer encore plus les joueuses et joueurs. (Ou le contraire avec des Aventures).

    RépondreSupprimer
  4. On peut concilier les deux puisque les joueurs discutent avant la partie, pour toute la partie de création de personnages ou de leur cadre de jeu.
    Dans ces préliminaires, on peut établir certains secrets (J'enquête sur le meurtre de ma mère - il s'agit d'un loup garou de ta meute, mais je ne le sais pas encore) qui seront utilisés ensuite en jeu. Les joueurs pourront ensuite jouer en transparence (tout en ne parlant pas trop des conséquences prévisibles de ce qui est en train de se passer (pas de trépignements quand je vais enfin identifier que les poils trouvés sur la scène du crime correspondent à ceux trouver dans ma chambre de mon amant), bénéficieront de l'ironie dramatique, pouvant préparer leur coup pour maximiser l'impact dans le récit, et de l'autre côté de l'écran, le public aura sa surprise.

    RépondreSupprimer
  5. moi je pense que tous les "nécessairement" peuvent être transformés en "potentiellement".
    L'ironie dramatique à destination du public suppose "potentiellement" une ignorance des PJ et donc le jeu en opacité (parce qu'en fait, ça me paraît pas la seule option possible) et "potentiellement" le développement des apartés (et ça en fait je trouve que c'est encore moins "nécessairement", nombre de joueurs jouant en opacité ne les utilisent pas et ça fonctionne très bien)

    RépondreSupprimer
  6. Par ailleurs j'ai deux interrogations (en mode "je me demande") :
    - dans quelle mesure le jeu en transparence devient la norme, il se développe sans doute "dans ta sphère" mais je suis pas certain que ce soit une réalité, d'autant que je crois sincèrement qu'il dépend moins d'un choix éditorial spécifique au streaming que d'un mode de jeu pratiqué par les joueurs à leur table IRL... Du coup, j'ai tendance à penser que le mode le plus répandu doit être le mode en opacité, ou plus probablement d'ailleurs des modes un peu mixte (mais plus proche du jeu en opacité).
    - je suis aussi un poil réservé/interrogatif sur la "maturité" actuelle ou à venir du développement du média sur laquelle est construite ta réflexion. Je pense que les streamers n'ont pas (encore) ce recul et que c'est pas pour demain (surtout vu que ça reste, malgré un développement certain, un épiphénomène).

    RépondreSupprimer
  7. Oui, oui, et oui, Pierre, Damien et Damien. Koeur sur vous !

    RépondreSupprimer
  8. L'autre jour, en pleine création de mon bonhomme pour L5R (partie IRL), je demande au MJ s'il a prévu de mettre de Kolat/Ombre dans la partie, pour savoir si je prenais un avantage ou désavantages correspondants. La réponse fut, je cite :
    Bien essayé mais on verra ça en MP selon ton perso 😁
    Si tu as une bonne histoire intéressante qui implique un FK, je serai ravi de l'impliquer au fur et à mesure. Mais je peux rien te promettre pour les 2 prochains scenarii 😉
    Après écris d'abord ton background et on verra si ça necessite un FK.
    Visiblement, il y a un petit hiatus entre ma pratique sur l'Auberge et la pratique de mon ancienne table.

    (Genre je vais écrire un background)

    RépondreSupprimer
  9. Oui, cela fait parfois drôle. J'ai des joueuses et co-joueuses qui refusent d'être spoilées par ma transparence. (ça a l'air un peu sale, dit comme cela...)

    RépondreSupprimer
  10. Après faut dire aussi que dès qu'on parle de conceptualisation (notamment des pratiques), on a tendance à vouloir tout bien ranger dans des cases et de se positionner de manière assez manichéenne (les apartés c'est bien/mal, les XP c'est super/pourri, faut/jamais poser des questions ouvertes et j'en passe et des meilleures). Or, non seulement on peut trouver des solutions intermédiaires parfaitement valables (Pierre en a déjà parlé sur ce sujet) mais on peut (devrait ?) considérer aussi que les unes et les autres peuvent être adaptés à une proposition spécifique...
    Personnellement (mais j'exprime là un goût personnel) que ce soit en jdr ou pour d'autres médias (JV, films/séries), j'aime parfois être surpris (et donc ne rien savoir en amont) et parfois je trouve que ça marche mieux en transparence (souvent parce que l'enjeu de la proposition est ailleurs).
    Et ce n'est pas sale...

    RépondreSupprimer
  11. Damien Rahyll Entre adultes consentants, il n'y a pas grand chose de sale de toutes façons.

    RépondreSupprimer
  12. 100% Damien Rahyll. Un pratique est bonne ou mauvaise dans un cadre précis. Si le but du jeu est de créer un max d'histoires façon séries télé, c'est plus efficace de jouer en transparence. Si le but est de savoir qui est le plus rusé pour vaincre les conspirations de ses camarades, l'opacité a beaucoup de mérites. Et oui c'est une échelle. On est souvent en transparence sur certains points et en opacité sur d'autres. Typiquement, le meneur garde les secrets de sa préparation. Et il y a des points intéressants dans l'entre deux, par exemple les drapeaux ("parlez-moi de mon père" sans dire pourquoi).

    Et bien évidemment, dans les cadres dans lesquels on peut considérer les techniques, il y a le goût personnel. Volsung abhorre les apartés, moi j'ai beaucoup de mal avec la compétition ou avec les XP, certains n'apprécient pas l'autorité d'un meneur ou les responsabilités partagées…

    RépondreSupprimer