
[⚠ long] Je reprends un post plutôt raté de la semaine passée à la base, en essayant d’être plus clair. (Vous me direz si j’y arrive ?). Une des difficultés du post précédent était le nombre de supposés et d’enchainements implicite. Pour faciliter les choses, j’ai numéroté les étapes ici en mode « revoyons l’action au ralenti ».
A. Ironie dramatique, transparence, opacité, apartés1. Dans les médias statiques,
l’ironie dramatique est cette tension qui nait quand le public connait quelque chose que les personnages ne connaissent pas : le monstre qui s’approche derrière le personnage, le plan machiavélique du méchant, la fin… (Parce que l’œuvre a commencé par-là, a donné cet élément de manière anticipée par rapport à la chronologie fictionnelle, parce que c’est une préquelle, parce que c’est clairement annoncé dans les éléments paratextuels…). Ou plus exactement, c’est le fait de donner ces éléments au public et d’en jouer.
2. En jdr, sans public (oui, les joueuses et joueurs sont aussi un public, mais si je commence à les catégoriser comme tel, je ne vais plus m’en sortir au niveau du vocabulaire), l’ironie dramatique peut être reproduite en jouant
en transparence, plus ou moins prononcée. C’est-à-dire que les joueuses et joueurs connaissent ou déterminent certains de ces éléments que leurs personnages ignorent. Volontairement, et utiliser cette connaissance pour mettre en œuvre l’ironie dramatique. Se précipiter dans un piège, dire exactement les paroles qui sont insupportables à l’autre partie… C’est l’ironie dramatique de l’auteur. La transparence peut avoir divers degrés, mais généralement elle fait fi des secrets entre joueurs, et parfois même expose des éléments classiquement réservé au meneur : l’intrigue, le déroulé chronologique du décor, ce qui se cache derrière les apparences…
3. (En opposition, il y a le
jeu en opacité, souvent au prétexte d’éviter l’exploitation par le joueur d’éléments inconnus du personnage, dans une perspective de défi stratégique et de « réalisme », à celui de favoriser une immersion maximale en rapprochant la vision de la joueuse de celle du personnage, ou à celui de ménager des découvertes et des surprises. L’ironie dramatique n’est alors accessible qu’à celle ou celui qui a les informations, généralement la ou le MJ.)
4. Dans mes cercles, il y a une nette préférence, qui croit depuis quelques années, pour le jeu en transparence.
5. Le jeu en transparence est peu compatible avec les apartés rôlistes (morceau de partie où des participants et participantes s’isolent en sous-groupe, ce morceau de partie n’est pas directement accessible aux autres). (À distinguer de l’aparté théâtral ou un personnage échange avec le seul public, chose impossible en jdr sans public.)
B. Diffusions de parties1. Le nombre de diffusion de parties de jdr, en direct ou en différé, augmente bien fort ces derniers temps.
2. Le jdr avec public est destiné la fois pour les joueuses et joueurs, et pour le public. Ce dernier est plus nombreux, et plus durable (la partie est jouée une seule fois, elle peut être écoutée plusieurs fois). Dans un bon nombre de cas, il s’agit de parties « jouées comme d’habitude » qui sont diffusée.
3. Mais que ce soit par décision éditoriale, par défi, ou par attrait du score de fréquentation, d’autres sont adaptées aux spectateurs et spectatrices. Elles sont pensées aussi pour eux et elles, voire avant tout pour eux et elles. La nature du spectacle est d’être pensé avant tout pour le public (le théâtre, le cinéma, la littérature, le football… ne sont pas vraiment conçus en priorité pour leurs acteurs.) C’est donc une direction d’évolution naturelle pour ce qui devient spectacle. Y compris le jdr.
4. Changer la cible de la partie change la conception de la partie, change la partie. Au départ des éléments « anodins » : faire attention à sa diction, énoncer les règles que pourtant tout le monde connait à la table, expliciter le langage gestuel ou ce qui se passe hors champ, répéter une phrase quand on a bafouillé, montage, choisir le jour et l’heure de la partie. Mais qui glissent vers des éléments plus marquants : choisir les joueuses et joueurs pour assurer la qualité du spectacle, pour leurs qualités audio- ou ciné-génique, parce qu’elles et ils sont actrices et acteurs ; donner un rôle décisionnel au public ; concevoir le jeu (système) pour son côté spectacle.
5. Si la popularisation se maintient il serait logique que ces changements augmentent en intensité et prévalence.
6. L’image publique du jdr en sera altérée, ce qui amènera probablement un feedback dans les manières de jouer sans public, où l’on reproduira consciemment ou non ce qui nous est présenté médiatiquement (par des médias « amis ») comme étant le jdr.
C. Retour d’ironie1. Dans les possibilités d’évolution vers le public, il y a celle de retrouver une ironie dramatique à sa destination.
2. Ce qui suppose une ignorance des joueuses et joueurs par rapport au public.
3. Et pour cela, nécessairement, (le retour vers) un jeu en opacité.
4. Et donc, nécessairement, des apartés théâtraux. Voire rôlistes.
J’espère avoir été plus clair dans l’exposition de ma réflexion de ce qui n’est qu’une possibilité. ?